Frédéric Amétisse


"La Camera Obscura"
13 octobre 2022

Préface

J'ai écrit ce petit essai pour essayer, tant bien que mal, de mettre en exergue une problématique bien spécifique dans le domaine artistique. Non pour ce qu'il représente en tant que tel (pris en tant que phénomène isolé et abstrait), mais plutôt pour ce qu'il révèle. Je ne vais donc pas forcément aborder directement cette problématique, mais plutôt arpenter ses contours de manière à dévoiler les phénomènes qui lui sont liés. Cet essai n'a pas été écrit au hasard, il est le fruit d'un long et mature raisonnement rationnel de plus d'une dizaine d'années autour de l'art et de la créativité. Car oui je suis artiste, et je me dois dans mon cheminement de poser des questions d'ordre rationnel sur mon travail, du moins l'époque me l'impose, et d'ailleurs cela me semble essentiel à mon cheminement : qu'est-ce qu'être artiste ? Qu'est-ce que l'art au fond ? Je pose ces questions, car je suis un empiriste qui fait l'expérience de l'art, c'est donc mon devoir de me confronter à ce mystère, en tant qu'être humain qui y est intrinsèquement confronté, questionné face au problème du sens, donc du langage qui est le support fondamental de l'art, malgré le fait qu'il est bien plus que cela.

Le prétexte de cet essai est : le cinéma. On pourrait essayer de le définir comme une sorte de dispositif tout de même assez étrange. En effet, il consiste en un rassemblement de personnes qui se réunissent dans une grande salle presque caverneuse plongée entièrement dans le noir dans laquelle repose une grande surface parfaitement blanche que le spectateur, c'est-à-dire nous, se doit de fixer des yeux statiquement. Dans cette salle se trouve un projecteur caché, situé dans les profondeurs noires de notre dos, d'où lequel est projeté (ou devons-nous dire transféré ?) des rayons de lumière qui au contact de la surface blanche se transforment en images mouvantes. Ces projections dynamiques sont matérialisées dans l'espace physique et matériel du monde, elles entrent directement au contact de notre Psychée via notre sensorialité, nos sens, alors qu’auparavant elles provenaient d'une autre Psychée, celle des scénaristes et du réalisateur qui crée, sculpte, organise le film.

Le cinéma dans son processus de création, d'élaboration est très similaire à un processus psychique de transfert. Il se matérialise dans le monde physique de la matière via l'idée qui guide le projet. Il prend naissance dans le monde psychique pour revenir ensuite dans la Psychée du spectateur par le visionnement. Il est une forme de langage, car pour externaliser l'"idée", nous devons faire appel au langage, et donc à la structure et la forme qui y sont intrinsèquement liées. Le sens en tant que tel prend part au système du langage, c'est-à-dire, oriente avec sa question du "comment faire sonner au mieux l'entendement". Même si le sens n'est en aucun cas lié au pur rationnel. Il faut donc utiliser la forme physique du monde avec les mots et les sons, ou tout simplement l'écriture, c'est-à-dire trouver un support qui pourra faire entendre ces "idées", faire vibrer, sonner l'entendement, cette racine mère de l'humanité. Bref, je ne pense pas qu'il n'y ait lieu d'aller plus loin dans la comparaison avec un phénomène psychique, on peut le dire assurément, le cinéma est une forme de matérialisation d'un phénomène psychique lié au transfert, ou alors est-ce le langage qui est tout simplement une des formes du transfert ? Il est clair qu'ici nous tombons dans un sujet qui n'a clairement pas été assez exploré. Mon expérience m'a démontré que plus je me penchais sur le sujet, plus le sujet s'élargissait dans des profondeurs et des abysses qui vont de disciplines en disciplines (sujet fortement transdisciplinaire). Le langage est un phénomène extrêmement compliqué, et malheureusement je ne peux dans cet ouvrage que me contenter de le survoler. J'essayerai tant bien que mal d'explorer plus en profondeur ce sujet dans d'autres ouvrages si le temps me l'accorde. Voilà pourquoi je m'arrêterais juste à la libre interprétation de divers films qui m'ont semblés importants.

Introduction : La haine de l'esprit

Il est drôle de remarquer que nous avons beau être au 21e siècle, les pensées, les images, et même les objets -- qui sont pour nous, grands Occidentaux que nous sommes, notre plus grande passion -- nous semblent être absolument dépourvus de tout sens. Effectivement, dans la vie de tous les jours un jeune divague sur telle ou telle chose, se laisse emporter par telle ou telle pensée, devient envouté, possédé par tel ou tel affects, alors que d'autres en rigolent, s'en moquent, n'y font pas attention, ou alors protestent au délire. Certains veulent même créer des manifestes pour mettre en avant certains affects, créer des mouvements politiques, des complexes, d'autres veulent les bannir... Voici une jeune fille qui fantasme sur un homme, un jeune homme a des imaginations prenant un tournant sexuel à propos d'une fille qu'il idolâtre, d'autres encore, soi-disant "artistes" ont de tels excès de délires que l'on se demande bien s'ils n'ont pas une araignée collée au plafond à force d'infester les si propres rues de nos villes civilisées d'oeuvres plastiques toutes plus loufoques les unes que les autres. Malheureusement, c'est ainsi qu'il arrive à la raison moderne de donner sa conclusion finale, un gaspillage de notre belle économie qui devrait être beaucoup mieux régulée et surtout bien mieux formalisée dans une abstraction rigoureusement rationnellement terminée, complète.

La faute à cette burlesque "culture" avec ses musées, conservant des milliers de tableaux absurdes. Comment réagir quand l'on constate que ces hommes ont gaspillé leurs vies entières à badigeonner la toile blanche de toute sorte de couleur dénuée de sens, et cela sans aucune raison, si ce n'est peut-être le désir d'être comblé des applaudissements de la célébrité, (et donc d'une puissance) car combien s'y sont risqués et n'ont jamais été récompensés.

Si une société se doit de fonctionner correctement, elle se doit aussi d'épier et de calculer de manière précise ses dépenses, afin d'éviter d'encourager de tels personnages étranges qui postulent leur but sur un manifeste non seulement dénué de toute raison, mais surtout dont les chances de réussite sont beaucoup trop minimes pour la rentabilité techniquement calculée et donc le total succès de la chose. On peut donc se permettre d'affirmer techniquement que ce genre de projet n'a aucun sens et ne devrait pas voir le jour dans notre ère du temps si civilisée, et intelligente. Autant dire que cette contradiction clairement démontrable est le signe même de sa décadence du fait qu'elle ne respecte aucunement ses buts et ses valeurs. Posons-nous sérieusement la question : que font les politiciens de cette soi-disant "société", comment peut-on véritablement continuer à laisser de tels évènements obstruer son développement vers l'intelligence qu'est la nôtre ? Nous sommes sortis depuis longtemps de l'obscurantisme religieux non ?

Le 21e siècle est sensé être la grande récompense de notre travail acharné, que dis-je, notre grand combat contre l'obscurantisme de la raison. Nous avons atteint un tel niveau de culture, d'intelligence et de développement rationnel, nous avons traversé avec une telle grandeur l'arriération mentale si caractéristique de nos ancêtres embourbés dans leurs religiosités, leurs sciences alambiquées, et leurs romantismes bien trop fantasmatiques. Oui, grâce aux lumières du 19e siècle ainsi que les révolutions de la technique, nous pouvons enfin attester avec raison raisonnante que toutes ces pensées qui gênent nos nuits, ces fantasmes, ces images, ces rêves, ces peintures, ces oeuvres d'art, ces poèmes, ces livres, ces films, tous ces fragments de langage, n'ont, et semblent n'avoir absolument aucun sens et n'être qu'une profonde absurdité créés dans le seul but de nous faire perdre du temps de rentabilité, ou tout simplement nous divertir, nous débiner, mais de quoi au juste ? Cela nous empêche de vivre correctement dans notre monde si pratique, foisonnant monde d'ustensiles et d'outils toujours plus nombreux, qui eux, ont un véritable sens pratique, réel, démontrable et palpable. Qui eux mêmes ont été créés via une technique précise, explicable, rationnellement démontrable. Ce qui n'est pas le cas des rêves, ou de ces idioties qui nous arrivent de penser trop tard le soir, et qui nous empêchent de dormir, ces idioties issues du fin fond du cerveau, ce délire, dans ce satané corps qui nous résiste, voilà pourquoi il faut déployer un réel agencement nouveau, en sorte que le délire obscurantisme du foisonnement subjectiviste disparaisse à tout jamais, faire table rase ! Construire un Nouveau Monde, instaurer une nouvelle politique !

Même dans les évènements de la surface dits "banals et superficiels", ces couches du comportement entre générations où les anciens, munis de leur savoir, leur grande éducation moralement raisonnable sont profondément choqués par le comportement absolument irresponsable, impulsif et déviant de ces plus jeunes qui ne savent plus du tout être sérieux, ont perdu toute limite. La seule valeur qu'ils semblent détenir est le tout dérisoire, jeu constant, bafouillage, amusement et partage des émotions en communauté. Ces jeunes qui ne savent plus travailler, qui passent leur temps à raconter n'importe quoi en buvant des litres d'alcool dans des fêtes déjantées. Ces jeunes qui ont définitivement perdu et surtout détruisent toutes les valeurs fondamentales de la vie, les vraies valeurs morales, qui permettaient l'établissement d'une société, ces jeunes qui ont perdu le lien social à force de virtualité, d'internet et de folie technologique. Quelle erreur avons-nous fait pour nous permettre de les éduquer d'une manière si libre !? Nous, les adultes responsables ! Nous, les hommes modèles de la société de demain. Quelles horreurs que ces libérations politiques, horreur de mai 68, horreur de ces choses qui ont brisé le noyau des familles. Ils ne savent plus vivre, le regard rivé sur leurs appareils électroniques. "Où va le monde ? Que va devenir notre futur que nous nous sommes tant évertués à construire dignement !" pourrait crier paranoïaquement l'égoïste soudainement atteint d'une telle inflation mégalomaniaque, qu'il pensait posséder toute l'histoire de la pleine réalité universelle...

Les jeunes et cela on l'oublie si vite, étant jeunes, sont beaucoup plus proche de leur nature instinctive, de ce qui est naissant en eux, dans les courants et flux des sphères psychiques inconscientes. D'une certaine manière, ils vivent de manière plus spontanée et donc plus proche de la sphère concrète instinctive, et collective. De ce fait, ce qui avait l'allure d'une grande fête et hymne à la débauche pour de vieux moralistes renfrognés (complètement séparés de leurs instincts), serait en réalité pour des esprits fins, comme a pu par exemple le montrer Michel Maffesoli, une résurgence (ou continuation) du paganisme, et donc un contact au monde dionysiaque. Ce qui évidemment cache aussi son ombre, du fait d'en être une victime inconsciente. Inextricable problème contradictoire (de la dualité du complexe) et finalement d'une profondeur abyssale qu'on se contentera de recouvrir avec de jolis mots comme "conflit générationnel", alors que cela illustre des conflits psychiques, sociologiques, changements d'ères, des révolutions, passant à travers des problèmes de transferts du fait du changement moral et donc du déplacement des images-numen (archétypique). Il y aurait là énormément à dire sur le conflit entre la musique de type métal et son imaginaire paganiste, dionysiaque, et les poncifs purement "chrétiens" qui tournent autour. Et tout cela se déroule, pour ne pas dire se répète encore au 21e siècle.

La raison rationnelle nous le dit donc tous les jours, et ce n'est pas les jeunes qui le contesteront, vu qu'ils ne savent pas du tout ce qu'ils font, ils ne font que suivre des flux pulsionnels d'ordre collectif. Pendant que d'autres s'évertuent à encager ces phénomènes dans des mots pour se rassurer que justement ils ne deviennent pas trop menaçants : "Folie de l'époque", "Déboire de l'humanité", "absurdité totale", "mouvement sataniste" pour amuser les journalistes fières d'avoir trouvé un nouveau sujet merveilleux à pouvoir brandir et d'une certaine manière "choquer" du moins affecter une certaine masse, mais non pas dans une orientation "artistique", c'est-à-dire au fond la question du "théâtre antique", de la tragédie, de la comédie, mais dans une orientation unilatérale du "spectacle". De même que l'adulte, forcé de vivre la mauvaise éducation de ses parents décide dans un mouvement de masse de se libérer de règlements par trop stricts, et de laisser plus de liberté à ses enfants, qui aussitôt lui semblent se retourner contre lui, pour vivre des évènements d'un tel dévergondage, qu'il regrette bien de ne pas avoir été plus stricte... Ce qui n'est au fond que son "manque à jouir" projeté, sa frustration de ne pas pouvoir vivre, aussi proche des instincts que ses enfants. Heureusement l'adulte lui sait, et par une action politique va pouvoir créer une opération marketing de sensibilisation pour moraliser la foule et lui instruire le savoir-faire de ne pas faire une fois la même erreur. De pouvoir condamner l'affect qu'il peut si bien identifier en l'autre, mais surtout pas en lui. C'est seulement de cette manière que l'humanité peut apprendre de ses erreurs, construire et élaborer la civilisation de demain via des règlements politiques stricts et bien définis. La loi ! Le droit ! L'empirisme par définition n'existe pas. Tout le monde sait que depuis les lumières du 19e siècle il n'y a plus eu une seule guerre... Le monde est devenu un paisible havre de paix et même aujourd'hui, les immenses buildings qui gèrent les transactions internationales de notre marché économique résident dans la plus grande sécurité possible... Mais tout cela nécessitait auparavant un travail acharné pour rendre notre structure politique solide comme un roc...

Heureusement, pour arriver à un tel niveau de culture, d'avancée technique et de civilisation, tout le monde peut l'attester, le savoir, la culture cela s'apprend après un long et très fastidieux apprentissage. Il faut donner beaucoup de soi pour atteindre ce niveau de travail si difficile, car rien ne tombe du ciel, surtout pas les idées... Il n'y a que le travail acharné de l'intellect qui nous permette à tout un chacun d'être capables de discernement pour pouvoir distinguer, catégoriser, séparer, et ainsi "bocaliser" la réalité. C'est ainsi seulement que nous pouvons prendre conscience des choses... Cette faculté de discernement est le principe le plus important aujourd'hui. Par chance, les écoles sont présentes pour cela, les universités ainsi que leurs diplômes qu'elles offrent à ceux dont les capacités intellectuelles, mathématiques et cognitives pour entrer dans le monde du savoir de la culture, à coups d'appris sans coeur et par pure méthode QCM de règlements préemballés, pour finalement accéder à la réussite si fondamentalement importante, vers laquelle tous les regards se tournent avec cette fascination devant la grandeur et la hauteur de cette inatteignable montagne, je veux bien entendu parler du nouveau Dieu : la science, ou plutôt notre nouvelle religion, le scientisme, ou autrement dit la fracture schizophrénique d'une réalité "bocalisée", "QCMisée", bref dogmatisée, donc forcément fanatique, c'est-à-dire religieusement laïque, vers ce que l'ont veut, et non ce qui est, tout en la manipulant bien dans son propre sens, car c'est là le but de la réussite.

Il est donc absolument défendu d'essayer de penser comment s'est créé ce nouveau Dieu, d'où il est sorti, de quel lieu il a émergé, et sur quelle terre il est apparu, et surtout contre qui il s'est instauré, contre quoi il s'est dressé... On semble oublier que la géographie pourrait nous donner une petite réponse à cette question, une géographie de l'histoire, avec des cycles, des guerres, des conflits d'idées, car nous avons besoin de fixité. La science a aujourd'hui beau être quelque chose de répandu, donc de banal, il est totalement défendu de se poser la moindre question à son sujet. On pourrait peut-être devenir hérétique, et ainsi perdre tout sérieux, mais je ne devrais pas utiliser de tels mots, car on pourrait trop facilement faire de comparaisons avec une époque reculée que nous avons complètement dépassée. On sait aujourd'hui que les choses sont bien différentes, notre cerveau a évolué, les statistiques parlent, les chiffres nous renseignent sur la véritable vérité des choses, cette vérité générale des choses est peut-être l'antithèse même de la vie, le contraire de ce qui fait l'individu, du fait qu'elle est généraliste et nie donc l'exception, d'un parcours qui n'est fait que d'unique : qu'il soit sociologique, corporel, généalogique, typologique, de toutes formes d'attributs et de goût.

De ce fait, j'espère que mon excès d'ironie fortement contradictoire devrait aisément souligner, surligner, graver, faire rentrer, secouer, électrocuter, bombarder voir même asséner l'alerte rouge, certes pas très réjouissante à entendre, je le concède, sur le problème de l'esprit et du langage dans notre époque et notre occident. Le discours, la parole répétée, l'ouï-dire, mais aussi l'intellect abstrait (de tout malheureusement) est devenu, en quelque sorte, le nouveau roi, la figure primordiale, le modèle de l'excellence, la logique absolue, le calife de l'esprit du temps, c'est-à-dire l'anti-esprit crispé de la volonté, l'absence de pensée, le confort(misme) et la peur du mystère et de la pensée.

L'"esprit" du temps, telle une montgolfière, s'est envolé dans une sorte de réalité abstraite, coupée de tout lien à la terre, toute réflexion logique et rigoureuse qui va au fond des choses, le tissu des liens du sens, c'est-à-dire de reconnaitre que la réalité n'est en aucun cas unilatérale et encore moins fixe. S'identifier à l'objet, s'agripper résolument à une idéologie abstraite et intellectuelle pour devenir cet idéal et combattre donc religieusement quoi ?...

Si j'en suis venu à écrire un tel livre, dans un tel temps, importance de l'intrication historique, c'est parce que je me suis souvent retrouvé confronté devant une évidence qui parait parfaitement incompréhensible voir digne de la folie. Cette évidence on pourrait simplement la nommer : le mystère de la création (en tant que racine d'elle-même). Étant artiste, j'ai toujours été profondément envouté dans mon action par cette action même, ce qui est le propre de la créativité. Mais aussi le comble de l'évidence, du fait que nous travaillons à partir du fondement de tout ce qui a humainement modelé ce monde, c'est-à-dire l'idée dans l'esprit et son externalisation langagière qui se fait corps (la forme). À la simple élaboration d'outils en silex (ce qui sera la conclusion même de ce livre) jusqu'à la plus développée des oeuvres d'art ou la simple écriture d'articles de journaux, la chose en soi prend toujours naissance dans l'esprit. Malgré cette évidence des tripes, je me suis retrouvé confronté à de nombreuses personnes qui possédaient une autre évidence de la tête, et donc s'opposent à l'inspiration pour la domination de l'intellect (qui est en réalité la domination de l'abstraction). Rappelons tout de même que la victoire de l'intellect sur l'imagination n'a que quelques siècles. Et je pense le démontrer dans cette introduction, cette victoire cause énormément de problèmes du fait qu'elle n'est qu'une ruse pour cacher quelque chose qui gêne. Ces problèmes affectent l'être humain dans son quotidien et sa solitude, et cela se répercute dans tout le reste, jusqu'aux couches sociales, et sociologiques.

Cela permet de bien mieux comprendre dans quelle époque nous vivons. Effectivement, déjà dans les environs de 401 av. J.-C, Socrate dans le Ion de Platon, nous expliquait déjà que l'artiste au contraire du technicien qui lui utilise la seule technique pour sa technique, l'artiste possède au contraire un pied dans le vide (sur-essentiel) de l'imagination qui lui permet l'inspiration, et qui pourtant possède bien une racine dans la réalité, c'est-à-dire la nature (archétypique instinctive-esprit), dont tout un langage plein de sens émane et qui bien entendu se retrouve en confrontation avec la forme (technique langagière) à employer créant par la même une dialectique d'échange et d'évolution dans les matériaux d'expressions utilisés, ou la matière elle-même. Et c'est bien de ce déploiement dynamique, ce processus psychique qui rentre en contradiction avec la matière, et finalement la modèle. C'est de ce processus forcément tiers inclus, des racines du sens et de l'entendement, qu'il est question ici. Au contraire d'une analyse renfrognée fixant photographiquement un phénomène, c'est-à-dire essayant de l'abstraire de son dynamisme et donc tombant dans une erreur de jugement absolue, car tiers-exclus.

« La science recherche vainement des supports définitifs aux phénomènes, c'est-à-dire rigoureusement actualisés, des relations et des lois qui ne changent plus, qui ne seront pas contredites; elle n'y arrive guère. [...] La logique du contradictoire montre pourquoi il ne peut pas en être ainsi : l'expérience est un processus dynamique, un développement énergétique qui, comme tel, à moins qu'elle ne s'arrête et qu'elle ne cesse d'être une expérience -- qu'est-ce qui n'est pas expérience ? Cesse-t-elle jamais, pour nous ? --, ne peut s'actualiser rigoureusement, parce que sa structure même implique un dynamisme contradictoire, une énergie antagoniste qu'il ne peut que virtualiser et non détruire, sans se détruire lui-même. »

Bien que la science ne sait que trop bien que ses jugements sont "dits d'expérience ou hypothétiques". Je parle ici bien évidemment d'identification à sa méthode, et de simplification moralisatrice. Finalement pas très scientifique... D'ouï-dire culturel qui se passe de génération en génération, comme une sorte de cadavre de perroquet. Car finalement on parle d'esprit vivifiant que cela soit dans la science ou dans l'art, le fondement, la source est exactement la même.

« L'histoire de la science est d'ailleurs là pour décevoir impitoyablement toute croyance à une vérité absolue, à quelque loi éternelle, Si bien que la morale de l'homme de science consiste à ne considérer ses constructions que comme essentiellement hypothétiques et précaires. Mais il n'en voit pas la trame logique, tellement son entendement est encore sous l'empire de la logique classique; il édifie donc incessamment des systèmes qu'il croit pouvoir débarrasser de toute contradiction et qui s'écroulent pourtant avec une rapidité d'autant plus grande que l'activité scientifique et rythme de l'expérience sont plus intenses. »

Pour terminer cette introduction, et peut-être aussi pour pardonner mon ton un peu moqueur et fortement contradictoire, et surtout en tant qu'hommage, j'aimerais placer ce livre sous l'augure d'un grand esprit, celui de Stéphane Lupasco et son principe d'antagonisme et la logique de l'énergie, c'est-à-dire le tiers inclus, en rappelant la définition axiomatique du tiers inclus, si importante pour notre époque se targuant d'être à la pointe de l'esprit scientifique, alors qu'elle n'est même pas au courant de l'histoire de la logique, ce qui est quand même le minimum quand on veut construire un raisonnement qui tient la route :

« À tout phénomène ou élément ou évènement logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l'exprime, au signe qui le symbolise : e, par exemple, doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement, un anti-phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement, une proposition, un signe contradictoire : non-e ; et de telle sorte que e ou non-e ne peut jamais qu'être potentialisé par l'actualisation de non-e ou e, mais non pas disparaitre afin que soit non-e soit e puisse se suffire à lui-même dans une indépendance et donc une non-contradiction rigoureuse -- comme dans toute logique classique ou autre, qui se fonde sur l'absoluité du principe de non-contradiction. »

« Le vrai est fonction des actualisations et des potentialisations possibles ; comme elles sont constitutivement relatives, de par notre postulat fondamental, le vrai, le quadruple vrai sera, à son tour, relatif, comme les non-contradictions qu'il signifie ou qui l'engendrent. Une chose, une proposition vraie, une vérité n'est donc jamais solitaire : à toute actualisation, par là même, vraie, à toute vérité, correspond toujours la virtualisation, par là même vraie, de l'élément contradictoire, une vérité contradictoire de virtualisation. »